Entretien avec Chedly Rais à la lumière de la Conférence des Parties à la conservation de la biodiversité
La quatorzième réunion de la Conférence des Parties (COP 14) à la Convention sur la diversité biologique, tenue à Charm el-Cheikh, en Égypte, a défini un certain nombre de décisions qui guideraient les futures mesures et méthodes de conservation.
Nous avons pu interviewer M. Chedly Rais, écologiste et expert en environnement marin en Méditerranée, qui avait un certain nombre d'idées intéressantes à partager.
Question - tandis qu’il y a plusieurs raisons d’être préoccupé au sujet de l’état de l’environnement dans le monde, est-ce qu’il y a des raisons pour être optimiste au sujet des océans en 2019, et plus particulièrement en Méditerranée ?
Il y a des raisons d'être optimiste quant à l'avenir des océans, sans toutefois espérer des résultats importants en 2019. En effet, même si les évolutions vers une amélioration de l'état des océans et une réduction des menaces sont lentes, plusieurs pays se sont engagés dans des initiatives prometteuses.
Au niveau de la Méditerranée, la stratégie marine lancée pour les pays membres de l'Union européenne est particulièrement intéressante. Elle vise à atteindre un Bon État Écologique en abordant plusieurs thématiques ce qui est de nature à favoriser une approche éco-systémique pour arriver à des résultats plus tangibles et durables.
Il y a lieu de noter, cependant, que si des raisons poussant à l'optimisme existent pour certains domaines ou régions, il ne serait pas réaliste d'être optimiste pour d'autres pour lesquels des préoccupations sérieuses persistent. C'est le cas notamment du changement climatique dont les effets sont de plus en plus perceptibles alors que le rythme des mesures prises pour son atténuation est loin d'être suffisant pour laisser entrevoir des résultats positifs à moyen terme.
De même pour ce qui est de l'accumulation des déchets plastiques, avec ce que ça entraine comme menace par les microplastiques, et ce qui des bruits sous-marins. Pour ces deux problèmes, il est difficile d'être optimiste vu la lenteur de la réaction des pays pour y faire face.
L'évolution des AMP dans le monde et en Méditerranée est une raison d'optimisme. En effet, suite à l'appel lancé à travers les objectifs d'Aïchi de la CDB, un effort bien visible a été déployé à travers le monde pour créer plus d'AMP. Il y a eu aussi beaucoup d'effort pour améliorer la gestion des AMP et pour les intégrer plus dans leur contexte socioéconomique. La prochaine COP de la CDB sera appelée à définir un cadre pour l'après 2020 en matière de conservation de la diversité biologique. Il est important que la région méditerranéenne adhère, à travers ses pays, au processus lancé depuis l'année dernière pour la définition dudit cadre.
Question - s’il y avait 3 actions à mener en 2019 pour faire face à la fragilité croissante des écosystèmes méditerranéens, quels seraient-ils ?
- Lancer une initiative de grande envergure pour mieux connaitre et sauvegarder les zones profondes de la Méditerranée. Il s'agirait de faire des campagnes de terrain pour améliorer les connaissances sur les habitats profonds en Méditerranée. Les résultats de ladite campagne seraient alors utilisés pour prendre des mesures, notamment par la création d'AMP, y compris dans les ABNJ.
- Finaliser un Atlas des herbiers de Posidonie et travailler à obtenir un engagement des pays à créer des AMP pour protéger 25% des surfaces d'herbier.
- Élaborer et adopter un plan d'action pour réduire l'impact des plastiques sur la biodiversité
Les pronostics de M. Rais pour l’avenir témoigne d’une approche pragmatique de l’idée de la conservation marine et de la protection de la biodiversité. Bien que la CDB ait connu un certain succès (comme le montre la figure ci-dessous) depuis la première réunion de la COP en 1993, il existe encore divers domaines sur lesquels davantage d’efforts doivent être fournis. De nombreux spécialistes de la conservation préconisent la création davantage d’AMP gérées de façon plus efficace et l’adoption d’une approche plus intégrée de la conservation de la biodiversité marine. Cependant, comme le souligne M. Rais, cela ne peut se produire que s i les parties concernées prennent les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le cadre existant.
La figure ci-dessus montre la croissance de la couverture des aires protégées marines et terrestres (ZEE et ABNJ) entre 1990 et 2018 et la croissance projetée jusqu’en 2020, conformément aux engagements pris par les pays et les territoires.
Les AMP ont été multipliées par 15 depuis 1993, année de l'entrée en vigueur de la CDB.